Le Livre de Poche a plus de cinquante ans. C’est en février 1953 que Henri Filipacchi, alors secrétaire général de la librairie Hachette, lance le premier Livre de Poche, « Koenigsmark » de Pierre Benoît. Il a déjà participé au lancement de La Pléiade et de la Série Noire publiée en 1945 chez Gallimard qui connut un succès immédiat. L’idée du Poche lui serait venue en voyant les soldats américains, stationnés en France au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, lire des pocket books, romans médiocres édités en mauvais papier, pour passer le temps.
En fait, il existait déjà dans plusieurs pays des éditions de romans à petit prix. On pourrait même trouver l’origine du Livre de Poche au XVIIème siècle avec la littérature de colportage, ou encore dans les nombreuses collections de livres portatifs qui ont vu le jour ultérieurement en Angleterre, aux Etats-Unis, en Belgique, en Allemagne, et même en France. Mais il s’agissait exclusivement de romans populaires tels ceux publiés dès 1905 par les éditions Jules Taillandier sous l’appellation « livre de poche ».
L’innovation d’Henri Filipacchi ne réside donc ni dans le nom ni dans le format de cette nouvelle collection. L’originalité consiste surtout à appliquer les techniques d’impression et de diffusion du roman populaire aux plus grands textes de la littérature française et étrangère qui, jusque là, étaient réservées à une élite intellectuelle. Il faut également rappeler que cette initiative s’inscrit dans une époque où les politiques d’accès à la culture et au livre se multiplient, notamment grâce au développement du réseau des bibliothèques publiques. Filipacchi parvient à convaincre quelques amis éditeurs, Albin Michel, Calmann-Lévy, Grasset et Gallimard, de s’associer à son projet.
Cependant, certains intellectuels ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée du Livre de Poche. Ils le font d’ailleurs savoir lors d’un célèbre débat publié dans Les Temps Modernes (1964 – 1965) dans lequel ils dénoncent « cette subvention aux loisirs des nantis ». Mais le public, lui, est vite au rendez-vous. De 8 millions d’exemplaires en 1957 -1958, les ventes passent à 28 millions en 1969. Encouragé par ce succès, Henri Filipacchi décide d’ouvrir son catalogue aux romans policiers mais aussi aux manuels pratiques de cuisine et de bricolage, aux recueils d’histoires drôles ou encore aux documents d’actualité. Mais il suscite aussi l’apparition de concurrents sur un marché de plus en plus lucratif. Dès 1958, Flammarion crée la collection J’ai lu, en 1962 les Presses de la Cité lancent Presses-Pocket, puis en 1972 Gallimard crée sa propre collection, Folio, plus chic mais un peu plus chère. Au total, plusieurs dizaines de collections de poche, plus ou moins spécialisées, apparaissent depuis 1960 jusqu’au milieu des années quatre-vingt-dix dont certaines sont exploitées par un seul éditeur qui n’y publie que son propre fonds (Petite Bibliothèque Payot, Babel, etc…).
Le Livre de Poche aujourd’hui
Aujourd’hui, le livre de poche représente un pourcentage important du chiffre d’affaires de l’édition française. 13 % exactement, soit 280 millions d’euros, et un livre sur trois, vendus. Le Livre de Poche conserve la première place avec plus de 18 millions d’exemplaires vendus en 2002 et, au total, près d’un milliard de volumes diffusés depuis sa création. On note aussi que les éditions sont de plus en plus soignées.
Le catalogue comporte aujourd’hui 3500 titres, 14 000 ont été publiés au total depuis 1953, dont 360 nouveautés par an et 1000 titres réimprimés chaque année.
La collection est aujourd’hui éditée par la Librairie Générale Française, société anonyme dont le capital est détenu à 80 % par Hachette-Livre, à hauteur de 20 % par les éditions Albin Michel.
Du Grand Meaulnes à Métaphysique des tubes
Parmi les meilleures ventes, on trouve bien sûr les grands classiques de la littérature française, probablement grâce aux programmes scolaires : 4 millions d’exemplaires vendus pour « Le Grand Meaulnes » d’Alain-Fournier et « Vipère au poing » d’Hervé Bazin ; suivent, avec 3 millions d’exemplaires, « Le Journal » d’Anne Frank, « Germinal » de Zola et « Thérèse Desqueyroux » de François Mauriac. Plus « inattendu » parmi les dix plus gros tirages, 3 millions d’exemplaires pour « J’ai quinze ans et je ne veux pas mourir » de Christine Arnothy. « La cuisine pour tous » de Ginette Mathiot et une méthode d’apprentissage des langues. Notons enfin en bonne place, les « Dix petits nègres » d’Agatha Christie, « Le parfum » de Patrick Süskind, « Le silence de la mer » de Vercors, avec plus de 2 millions d’exemplaires chacun. Parmi les meilleures ventes de titres parus en 2002, on trouve Mary Higgins Clark, « Avant de te dire adieu », 280 000 exemplaires, ou encore Amélie Nothomb, apparemment ravie d’être publiée en format poche, avec « Métaphysique des tubes », 230 000 exemplaires.
(Sources : fluctuat.net "Le livre de poche a 50 ans : histoire" / Wikipédia / ina.fr "Le livre de poche a 50 ans - Jalons pour l'histoire du temps présent")