dimanche 7 octobre 2012

"Oeuvre poétique 1925 - 1965" - Jorge Luis Borges (Nrf - Poésie/Gallimard) - Argentine


Vous nous avez présenté...

"Oeuvre poétique 1925 - 1965"
Jorge Luis Borges
(nrf - Poésie/Gallimard)
Argentine


Un lecteur passionné de Borges nous a offert plusieurs lectures du poème "La pluie", extrait de ce recueil.




"La lluvia"

Bruscamente la tarde se ha aclarado
Porque ya cae la lluvia minuclosa.
Cae o cayo. La lluvia es una cosa
Que sin duda sucede en el pasado.

Quien la oye caer ha recobrado
El tiempo en que la suerte venturosa
Le revelo una flor llamada rosa
Y el curioso color del colorado.

Esta lluvia que ciega los cristales
Alegrara en perdidos arrabales
Las negras uvas de una parra en cierto

Patio que ya no existe. La mojada
Tarde me trae la voz, la voz deseada
De mi padre que vuelve y que no ha muerto


"La pluie"
(traduction littérale)

Brusquement le soir s'est éclairé
Parce que la pluie minutieuse tombe déjà.
Elle tombe et tomba. La pluie est une chose
Qui sans doute survient dans le passé.

Celui qui l'entend tomber a recouvré
Le temps où le sort heureux
Lui révéla une fleur appelée rose
Et la curieuse couleur du rouge.

Cette pluie qui aveugle les vitres
Réjouira dans des faubourgs perdus
Les noirs raisins d'une treille en une certaine

Cour qui n'existe plus. Le soir
Mouillé m'apporte la voix, la voix désirée
De mon père qui revient et qui n'est pas mort.


"La pluie"
(mis en vers français par Nestor Ibarra,
poète argentin, ami de Borges)

Brusquement s'éclaircit le ciel embarrassé :
Il pleut enfin. Le flot minutieux arrose
Ma rue. Ou l'arrosa. La pluie est une chose
En quelque sorte qui survient dans le passé.

Je l'écoute ; à sa voix, dans le soir remplacé,
Tout un temps bienheureux s'entrouve et se propose :
Le temps qui m'enseigna le parfum de la rose
Et l'étrange couleur du rouge courroucé.

La rafale qui bat aux vitres aveuglées
Réjouira les noirs raisins et les allées
Poudreuses d'un jardin qui n'est plus, vers le bord

Indécis d'un faubourg. A travers la durée,
L'heure humide m'apporte une voix désirée :
Mon père est là, qui revient et qui n'est pas mort.



"Comme beaucoup, je tiens qu'un poème est intraduisible, mais qu'il peut être recréé dans une autre langue (je sais bien qu'en bonne logique, il suffirait d'un seul vers bien traduit pour réfuter cette assertion). Tout dépend, bien sûr, de ce qu'on entend par "bien traduit". Pour moi, je suis nominaliste; je me méfie des affirmations abstraites, et je préfère m'en tenir aux cas particuliers."
Jorge Luis Borges


Nous avons également eu le plaisir d'écouter le poème "La pluie" mis en musique par El Cabrero (flamenco).


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