jeudi 23 décembre 2010

VENISE ET JENSON

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Il retrouve Konrad Schweynheim et Arnold Pannartz installés au monastère de Subiaco près de Rome grâce à l'appui d'un certain Giovanni Andrea de Bussi évêque d'Aléria. Il se remet au travail à leurs côtés et retrouve avec plaisir les burins et l'activité dans laquelle il excelle désormais. Les presses, les poinçons et les fontes de caractères sont restés à Mayence et il faut tout reprendre à zéro. C'est alors l'occasion pour lui d'inventer et de prendre de la distance avec les caractères froids et anguleux de Gutenberg désormais bien éloignés de la Dolce Vita romaine. Parmi les manuscrits jonchant la table de travail de Pannartz, l'un d'eux attire l'oeil de Nicolas par l'équilibre de sa graphie. Il s'agit d'un texte de Virgile transcrit vers 1450 à partir d'un manuscrit ancien par un certain Battista Cingulano. L'écriture de pur style humanistique dont les caractères appartiennent à la famille alors en vogue dans les milieux intellectuels italiens des lettera antica formata. Nicolas en dessine chaque lettre sur le papier et ajoutant son grain de sel au corps de chacun d'elle, il en améliore progressivement l'esthétique et surtout la lisibilité. Se sentant à l'étroit et désireux d'entreprendre, Nicolas décide de quitter ses deux amis. Nous sommes en 1469 et il a appris que son vieux camarade Jean de Spire est à Venise, qu'il a obtenu du Sénat de la République de cette ville le droit d'imprimer pour cinq ans et qu'il a donc installé une presse autour de laquelle il travaille avec son frère Wendelin. Il part le retrouver mais trouve Jean dans un triste état, il est gravement malade et meurt quelques mois plus tard. Nicolas décide alors de créer son propre atelier et s'installe dans cette ville où il donne en 1470 de praeparatione evangelica libri (préparation évangélique) d'Eusèbe de Césarée (le premier historien de l'Eglise). Il imprime dans un caractère romain totalement nouveau qui se révèle être un chef d'oeuvre puisque c'est de lui que seront ensuite tirés tous les caractères d'imprimerie en vigueur encore de nos jours. Cette même année de 1470 il imprime quatre autres ouvrages : La réthorique et Les lettres à Brutus de Cicéron, un texte de Guarino de Vérone et le Justini Epitome Historarum de Trogue Pompée. Son entreprise connaît un franc succès car l'année d'après (1471), il crée un caractère grec qu'il utilise dans les citations ainsi qu'un caractère majuscule inspiré des monuments antiques ; il imprime pas moins de vingt ouvrages ce qui, compte-tenu de la somme de travail nécessaire à chaque tirage, est considérable et laisse penser qu'il a dû monter des presses supplémentaires et embaucher et former du personnel.
Philippe Deblaise
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